EA 7347 HISTARA

Histoire de l’art,

des représentations et de l’administration

dans l’europe moderne et contemporaine

Victoire Houdré
Fait partie des 
M2
Sujet de recherche : Le décor de peintures murales de la chapelle du château des Milandes (Castelnaud-la-Chapelle, Dordogne), vers 1500
Informations :

Le décor de peintures murales de la chapelle du château des Milandes (Castelnaud-la-Chapelle, Dordogne), vers 1500

Nul n’aurait pu se douter de l’importance du trésor que recèle la chapelle du château des Milandes, dans laquelle fut célébré le mariage de Joséphine Baker en 1947. En effet, lors d’une campagne de travaux, le sondage et la restauration menés par Mélissa Donadeo en 2019 sur les murs intérieurs ont révélé un décor peint d’une richesse patrimoniale insoupçonnée, qualifiée de « l’une des plus belles et prometteuses découvertes de ces dernières années » par Pauline de Poncheville, qui avait elle-même consacré son mémoire au décor mural de l’église périgourdine de Saint-Méard-de-Drône.

Construite vers 1500, peu après le château, par François Ier de Caumont, la chapelle des Milandes communiquait autrefois avec les appartements des seigneurs par une galerie, dont la porte haute est toujours visible sur la façade Ouest ; cet accès direct permis à la tribune seigneuriale, ménagée au-dessus de la chapelle seigneuriale Sud, explique probablement la richesse du décor de l’église de ce côté de la nef.

L’édifice a connu une histoire mouvementée et de nombreuses transformations au cours du temps. Il devient un temple en 1535 lorsque les fils de Charles de Caumont se convertissent au protestantisme. A la Révolution, la chapelle est confisquée comme le reste du château par les paysans du lieu : ceux-ci font du sanctuaire un usage profane, notamment une écurie, en ouvrant les murs latéraux pour en percer de grandes portes d’étables. Après les diverses destructions révolutionnaires et les aléas du temps, la chapelle est restaurée en 1863 grâce au comte Amable de Beaumont, qui lui redonne un aspect flamboyant. Elle est bénie en 1879, placée sous le vocable de Saint Louis et rendue au culte. C’est probablement au XIXe que l’on décide de recouvrir les peintures murales, peut-être trop abîmées et ne répondant plus au goût de l’époque, par une épaisse couche de plâtre. On reconnaît d’ailleurs sur les peintures un piquetage régulier pour la meilleure adhérence de l’enduit.

Malgré leur disparition durant de nombreuses années derrière le badigeon de plâtre blanc, le décor peint était resté dans la mémoire collective, puisque l’abbé Pommarède au XXe siècle mentionne la présence de peintures murales d’une rare qualité dans son ouvrage sur les églises du Périgord.

De près, la qualité du dessin et la subtilité des couleurs sont immédiatement convaincantes. Au-dessus de l’arc brisé ouvrant sur le bas-côté gauche, s’épanouit une délicate scène de l’Annonciation. Sa composition, répondant parfaitement à la surface ogivale dans laquelle elle s’inscrit, reprend tous les codes iconographiques que l’on retrouve dans les gravures et lithographies contemporaines de la fin du XVe ou du tout début du XVIe siècle. Dans une loggia à l’italienne, la Vierge Marie à sa table d’étude, accueille l’annonce de l’ange Gabriel, tenant un sceptre fleuronné autour duquel s’enroule un phylactère où sont écrits les premiers mots de la salutation angélique. Les deux écoinçons en-dessous de cette scène sont décorés d’anges jouant dans un exubérant rinceau de feuillage. Sur le même mur, est arboré fièrement un blason écartelé qui vient confirmer chronologiquement que le décor a bien été commandé dès la construction de la chapelle par François Ier de Caumont et Claude de Cardaillac ; le blason disposé en symétrie sur l’autre écoinçon a malheureusement disparu.

Sur le mur Est de la chapelle Nord, prend place une Descente de croix, et en face, une Résurrection. La voûte de cette partie était autrefois ornée d’anges portant les Arma Christi, mais, la structure ayant été très abîmée par des infiltrations d’eau, il ne reste du décor qu’un fragment représentant la couronne d’épines.

Sur le côté gauche du chœur, a été découverte une représentation plus monumentale encore : un saint Christophe, portant l’Enfant-Jésus sur ses épaules.

Enfin, au-dessus de la chapelle Sud basse qui ne présente que des traces de teintes noires, la tribune haute dévoile, de part et d’autre de la fenêtre, une Conversion de saint Paul et un saint Jérôme pénitent au désert. La voûte était autrefois décorée d’un ciel étoilé dont on a retrouvé quelques traces d’azurite et d’étain.

 

Détail d’un ange, en-dessous de la scène de l’Annonciation

Mon étude cherche donc à lever les interrogations qui entourent le contexte historique, sociologique et politique de la création de ce décor, typique de cette période charnière qui voit les derniers feux du gothique flamboyant et l’avènement de la Renaissance. Le commanditaire est-il bien François de Caumont ? A-t-il eu comme modèle des demeures à la cour de France ? Peut-on comparer la chapelle avec des décors similaires dans la région ? Son décor s’inscrivait-il dans un programme iconographique plus large englobant les espaces avoisinants ? Des observations stylistiques permettraient d’identifier l’artiste ou du moins sa région d’origine : était-ce un Italien, un Flamand ou un Français ? un artiste parisien ou périgourdin ? De plus, l’étude précise des peintures offrirait la possibilité d’étudier le processus de création et les différents repentirs.