EA 7347 HISTARA

Histoire de l’art,

des représentations et de

l’administration en europe

Conférence / Sabine Frommel (DE EPHE) et Nicolas Fiévé (DE EPHE) : « L’eau et les jardins », dans le cadre du cycle « L’art des jardins dans les civilisations de l’Europe et de l’Asie orientale »

Date : 14 avril 2022

Heure : 10:15
Lieu : Paris (Collège de France)

Chercheur(s) Intervenant(s)

Co-Intervenant(s)

Nicolas Fiévé (DE EPHE)

Depuis les temps anciens, l’Asie orientale sinisée et l’Europe ont développé des savoir-faire dans le domaine du paysage qui comptent aujourd’hui parmi les plus importants de l’histoire de l’art des jardins. Au-delà de leurs différences formelles et stylistiques, les jardins de l’Asie orientale et ceux de l’Europe procèdent, à des degrés divers, d’une même réponse à des besoins individuels et sociétaux, sans doute à caractère universel. Ici et là, ces espaces clos de murs et en plein air, conçus pour le repos et le plaisir, prennent souvent la forme d’un monde idéal, lieu d’échange entre les humains, le monde vivant et le cosmos, et assument un rôle de guide sur le chemin de la connaissance et de la sagesse. En témoignent les jardins de Suzhou des époques Ming et Qing ou ceux de la renaissance florentine, les jardins de l’Espagne arabo-andalouse ou ceux du Kyoto médiéval.

 

En Europe, le jardin connaît un développement prodigieux de la fin du XVe à la fin du XVIe siècle. Il prend d’abord partout la forme d’un espace clos quadrangulaire, divisé en carreaux, enrichi de fontaines, de pergolas de feuillage, même si en Italie la présence d’éléments « antiques » et une plus grande diversité de plantes lui confèrent un caractère « paradisiaque ». Dès les années 1540, en Italie, on explore plus systématiquement le potentiel lié aux dénivellations et aux jeux d’eau tandis que les programmes iconographiques dotent l’espace réel d’une dimension imaginaire : les jardins du Quirinal et de la villa d’Este à Tivoli, la villa Lante à Bagnaia, le Sacro Bosco à Bomarzo. Ces dispositifs affichent des valeurs sémantiques qui vont du jardin Éden, de l’image du cosmos, du concept de l’Âge d’or, du Parnasse jusqu’au miroir de la culture, des ambitions et des rêves du commanditaire. Grottes, fontaines et terrasses à l’italienne promurent le renouveau des jardin européens, comme en France à partir du milieu du XVIe siècle. En Allemagne, territoire qui s’est d’abord centré sur une culture des arbres fruitiers, un épanouissement comparable se profile seulement vers la fin du XVIe siècle, sous l’influence italienne et néerlandaise, alors que le Hortus Palatinus du château de Heidelberg, commencé en 1616 sous la direction de Salomon de Caus (1576-1626), marque une césure. En France un nouveau modèle émergera dans les années 1630 : entièrement subordonné à la demeure du maître, il est l’expression visible de son pouvoir sur le monde.

 

En Asie orientale, le jardin naît en Chine, où il s’enrichit très tôt de la tradition littéraire du paysage bucolique, tel que l’exprimait l’idéal de la retraite du lettré des poèmes de Tao Yuanming (365-427) ou des paysages peints de Gu Kaizhi (v. 345-406). Une tradition littéraire qui s’épanouit sous la dynastie des Song (960-1279), alors que des lettrés se retirent dans l’univers clos de leurs jardins pour s’y adonner aux arts. Introduit au Japon aux VIe et VIIe siècles, le modèle chinois du jardin est adopté par les Japonais, c’est pourquoi l’art paysager des deux civilisations comporte un grand nombre de savoirs communs. Dès le VIIIe siècle, pourtant, alors que la plupart des nobles de Kyoto aménagent leur propre jardin, les savoir-faire et l’esthétique s’affranchissent du modèle continental. Si les jardins en Chine et au Japon partagent un large fonds de savoirs communs, ils témoignent de formes et de styles aussi disparates que le sont ceux du jardin de Boboli, à Florence, et ceux du parc de Stourhead, dans le Wiltshire.

 

Organisées autour d’un thème ciblé (le dispositif architectural de la villa et de son jardin, le parcours et la composition paysagère, les arts pratiqués au jardin, la relation entre le jardin et la demeure, la tradition et l’innovation dans l’art des jardins, les processus de migration entre l’Europe et l’Extrême Orient, la description textuelle et la gravure comme instrument de transfert, la rencontre de modèles importés et de traditions locales, la représentation des jardins dans la peinture), les journées d’études visent à confronter usages, pratiques et techniques à l’œuvre dans les jardins de l’Europe et de l’Asie orientale car, à côté d’une certaine forme d’universalité de la fonction du jardin (divertissement, plaisir, fête, célébration), l’historien de l’art et l’architecte s’interrogent, d’un continent à l’autre, sur l’extraordinaire diversité des éléments qui le constituent, des formes et des dispositifs qui le mettent en œuvre et des représentations qui en expriment la nature.

 

 

Thème de la conférence « L’eau et les jardins ».

Date, le 14 avril 2022

Lieu de la conférence : Salle 5, Collège de France, 11 place Marcellin Berthelot, Paris Ve

 

10h15 :           Accueil des participants.

10h30 :           Présentation de la conférence par Sabine Frommel et Nicolas Fiévé

10h45 :        « Aspects cosmogoniques de l’eau dans les jardins lettrés chinois »,

par Yolaine Escande (DR CNRS, directrice du Centre de recherches sur les arts et le langage)

12h00 :        « La bataille de l’eau : violence et imaginaire guerrier dans les jardins princiers de la Renaissance et du Baroque »

par Denis Ribouillault (Professeur à l’Université de Montréal)

12h45 :          Discussion

13h15 :           Fin de la conférence