Le règne de Louis XIV, marqué par une volonté constante de contrôler et connaître le territoire dans lequel s’inscrit le royaume, voit l’émergence de nombreuses figures au service de la monarchie. Parmi ces profils, les ingénieurs cartographes témoignent peut-être le mieux de ce phénomène. L’exemple de Claude Masse (1652-1737), ingénieur du roi contemporain de l’ascension de Louis XIV en est révélateur, notamment pour l’immense collection de cartes et plans, reliés en différents volumes, qu’il a légué.

L’historiographie le concernant est cependant inégale. Alors que ses levés topographiques, qui couvrent de la Gironde au royaume de Navarre, ont déjà été largement étudiés, la fin de sa carrière, de son arrivée à Lille en 1724 jusqu’à sa mort en 1737, demeurent encore peu connus si l’on excepte l’article de Lucien Lemaire daté de 1922. Le moment où Claude Masse s’installe à Lille correspond pourtant à un tournant de sa carrière. Agé de 73 ans, il travaille alors avec ses deux fils, François (1706-1757) et Claude Félix (1712-1786), levant avec eux les cartes de Dunkerque jusqu’à Metz afin de les accompagner au mieux dans leur formation et leur travail. Se fondant sur ce constat, ce travail vise à explorer cette facette méconnue de la fin de sa carrière et plus spécifiquement, l’épisode lillois qui court de 1724 à 1734, année durant laquelle les Masse s’installent à Mézières.

Notre mémoire de master est ainsi à la croisée de l’histoire de l’art, de la cartographie militaire, mais aussi et surtout de l’histoire des sciences et des savoirs. Dans ce sens, c’est une étude qui, au prisme matériel des travaux cartographiques d’une famille d’ingénieurs, vise à apporter un éclairage sur des pratiques familiales et collaboratives encore peu étudiées. Il se fondera sur la production graphique (cartes, plans, mémoires, atlas…) de Claude Masse et ses fils conservés au SHD de Vincennes ainsi que sur les séries d’archives conservés aux AM de Lille. Nous y chercherons grâce à l’organisation matérielle des travaux de Claude Masse à savoir comment les ingénieurs utilisaient les mémoires afin de transmettre leur savoir. C’est également cette étude biographique sur une famille d’ingénieurs qui apportera un éclairage sur l’apprentissage et la transmission du métier d’ingénieur avant son institutionnalisation au milieu du XVIII^e siècle.