Projet Lauréat PSL-Columbia 2018 :
Catherine Brice (dir.), Histoire de Rome et des Romains de Napoléon Ier à nos jours, Paris, Perrin, 2020 [2007].
Constitution de la République Romaine. Traduite de l’Italien sur une édition authentique, Paris, Imprimerie de la république, Germinal an VI, p. 51.
Luciano Guerci, Istruire nelle verità repubblicane: la letteratura politica: la letteratura politica per il popolo nell’Italia in rivoluzione, 1796-1799, Bologna, Il Mulino, 1999.
Luciano Guerci, « Aspects du débat sur l’Égalité durant le Triennio républicain », Annales historiques de la Révolution française, 1998/3, n° 313, p. 409-430.
Luciano Guerci, « Les Catéchismes républicains en Italie (1796-1799) », dans Jean-Charles Buttier et Émilie Delivré (dir.), La Révolution française. Les catéchismes républicains, 2009/1 [en ligne].
Œuvres de Napoléon Bonaparte. Tome second, Paris, C.L.F. Panckoucke Éditeur, 1821, p. 85-89.
Anna Maria Rao, « L’expérience révolutionnaire italienne », Annales historiques de la Révolution française, 1998/3, n° 313, p. 387-407.
Filippo Maria Renazzi, Storia dell’ Università degli studj di Roma, detta comunemente la Sapienza, che contiene anche un saggio storico della letteratura romana, dal principio del secolo XIII sino al declinare del secolo XVIII, Rome, 1806, volume 4, p. 419.
Fabio Tarzia, Libri e rivoluzioni, Figure e mentalità nella Roma di fine ancien régime, 1770-1800, Milano, Franco Angeli, 2000.
Gabriele Turi, Guerre civili in Italia 1796-1799, Roma, Viella, 2019.
Originaire de Veroli, une commune située à une centaine de kilomètres de la capitale des États pontificaux, Giuseppe Mangiatordi entre en 1789 à l’Université La Sapienza de Rome comme lecteur, puis devient professeur de droit ecclésiastique et de droit civil ainsi que Censeur de l’Académie théologique. C’est, fort de cette prestigieuse position, qu’il embrasse la cause républicaine lors de l’entrée des troupes françaises, la déposition de Pie VI et la proclamation de la République romaine en février 1798.
Dans ce contexte troublé, Giuseppe Mangiatordi prend dès le mois de mars la plume pour rédiger un petit libelle qui circule dans les milieux révolutionnaires. Sous le titre Serment civique proposé à l’article 367 de la Constitution romaine, il porte sur un article précis de la Constitution qui a pour objet d’imposer aux détenteurs de charges publiques un serment d’allégeance à la République, dont il entend démontrer la licéité en réponse à la lettre que lui aurait adressée à ce sujet Girolamo Scaccia. Dans la traduction française de cette constitution, l’article stipule en effet que « nul fonctionnaire public établi par la présente Constitution, consul, ministre, législateur, questeur, administrateur […] ne pourra exercer aucune fonction avant d’avoir prêté le serment de haine à la monarchie et à l’anarchie, de fidélité et attachement à la République et à la Constitution ».
Le catéchisme de Giuseppe Mangiatordi est publié chez le même éditeur romain, Michele Puccinelli. Daté de l’an I de la République romaine, il présente l’auteur comme un « professeur de jurisprudence » à la Sapienza et comporte en annexe la lettre que, depuis son quartier-général de Milan, Bonaparte avait adressée au Gouvernement provisoire de la République Ligurienne le 11 novembre 1797. Comme la plupart des catéchismes politiques, cet opuscule est organisé à la manière d’un dialogue, ou plus exactement d’une succession de questions et de réponses entre un jeune homme et un « catholique démocrate ». Ces 48 fausses interactions abordent un large éventail de thèmes. Elles vont de définitions générales de la société (I), du citoyen (III), de la souveraineté (IV) ou du gouvernement (V) à une interprétation « démocratique » du catholicisme en passant par l’analyse des valeurs de la liberté, de l’égalité et de la fraternité et la description des divers états sociaux.
L’ensemble, fortement marqué par le catholicisme, revêt souvent un ton moralisateur, comme on peut le voir dans les articles consacrés aux mauvais penchants de l’homme ou à la condamnation de l’égoïsme. Ces analyses successives conduisent Giuseppe Mangiatordi à la conclusion que la catholicisme constitue bien la religion qui doit conduire vers la démocratie. Car, selon ce professeur, religion catholique et démocratie partagent une même maxime fondamentale : faire passer l’intérêt d’autrui avant le sien (XLI). Le catholicisme enseigne à chacun de chercher à faire le bien de ses semblables.
Avec la restauration de l’État Pontifical, Giuseppe Mangiatordi, fera amende honorable pour sa participation et son soutien aux évènements révolutionnaires.
I. Qu’est-ce que la Société ?
La Société est l’union de plusieurs hommes qui se regroupent pour convivre afin d’améliorer leur état.
II. J’entends plusieurs noms par lesquels définir les unions entre les hommes, tels que Terre, Château, Ville, Province, État. Expliquez-moi ces termes.
L’union de peu d’hommes s’appelle une Terre ou un Château. L’union d’un nombre supérieur d’hommes prend le nom de Ville. Plusieurs Terres, Châteaux et Villes constituent une Province, ou Département, et l’union de plusieurs Provinces ou Départements forment un État.
III. Qu’est-ce qu’un Citoyen ?
Jadis, Citoyen se disait pour un homme qui habite dans une Ville. Un tel sens est désormais trop réduit. Citoyen est tout homme qui est membre d’un État, comme vous êtes membre de l’État romain.
IV. Qu’est que la Souveraineté ?
La Souveraineté est le Pouvoir suprême de régir un État, afin que tous les Citoyens soient heureux.
V. Qu’est-ce qu’un Gouvernement ?
Le gouvernement est l’exercice de la Souveraineté.
VI. S’il n’y avait pas de Souveraineté ni de Gouvernement, où serait le problème ?
Il y aurait l’Anarchie, qui signifie le manque de toute Souveraineté, de tout Gouvernement.
VII. L’Anarchie est donc un mal pour l’État ?
C’est le pire de tous les maux. Dans l’Anarchie les hommes, au lieu d’obtenir leur propre bonheur par l’amour, le conseil et l’aide mutuels, sont ennemis les uns des autres et se rendent mutuellement malheureux.
VIII. Pour quelle raison dans l’Anarchie les hommes sont à tel point ennemis de leurs semblables ?
Cela provient de leur nature mauvaise, qui les porte vers tous les excès contre leurs semblables. Cette nature n’est alors pas freinée ni corrigée par la force de la Souveraineté et du Gouvernement qui manquent dans l’Anarchie.
IX. Expliquez-moi mieux cette nature mauvaise de l’homme.
Cette nature mauvaise de l’homme correspond à la volonté de tout avoir pour lui seul et, d’une certaine manière, à prétendre que tous les autres doivent lui être utiles et qu’aucune chose ni aucune personne doivent s’opposer à cette volonté ou à cette prétention.
X. Il me semble que cette nature mauvaise de l’homme correspond à ce qu’on appelle Égoïsme.
Il s’agit en effet de l’Égoïsme, toujours armé pour se favoriser sans aucune mesure et pour offenser sans réserve tous ceux qui s’opposent ou qui ne sont pas utiles à ses désirs. S’il n’est pas freiné, l’Égoïsme est capable de détruire le genre humain.
XI. Cet Égoïsme, qui rend l’homme plus féroce des bêtes sauvages, tous les hommes l’ont-ils ?
Malheureusement oui, s’ils ne se forcent pas à le corriger. Vous-même quand vous vouliez, enfant, le lait ou les jeux, vous pleuriez plus par caprice que par besoin. Par la force de cet Égoïsme vous vouliez, grâce aux larmes, vous imposer à votre mère, à votre nourrice et aux autres, plus grands, qui étaient autour de vous.
XII. Pourtant il existe aussi des hommes indolents, qui ne s’occupent de rien, et qui se négligent eux-mêmes : comment est-il possible que de tels hommes soient Égoïstes ?
Soyez-en certains, l’Égoïsme est une maladie qui infecte tous les hommes, bien qu’il ne fasse pas le même effet sur tous les hommes, mais plutôt un effet différent sur la base des tempéraments froids ou fervents.
XIII. Quels sont les effets de l’Égoïsme sur les hommes fervents ?
Il les pousse tous à agir afin de s’assurer ce qu’ils convoitent, et il les rend audacieux pour surmonter tous les obstacles sans aucun regard, à condition de toucher au but de leurs désirs.
XIV. Quels effets l’Égoïsme produit sur les hommes froids ?
Chez les hommes froids, l’Égoïsme consiste à aimer une certaine inertie, de sorte que s’ils méprisent les choses que les autres convoitent, ils ne le font pas pour les laisser à la commodité ou au profit des autres, mais plutôt pour ne pas devoir se déranger à les rechercher. À cause de cette inertie, en quoi se réduit tout leur plaisir, ils n’agissent absolument pas quand les autres ont besoin d’eux et, pour ne pas se déranger, ils finissent ainsi par abandonner cruellement les amis, les membres de la famille, les parents, la Patrie.
XV. Parmi les maux que produit l’Égoïsme, quels sont les pires ? Ceux que causent les fervents, ou ceux que provoquent les égoïstes froids ?
Je ne sais faire de ces calculs, je ne possède pas de balance capable de peser les maux. Je peux seulement dire que l’Égoïsme aussi bien des hommes fervents que des hommes froids est la peste du genre humain.
XVI. Comment peut-on trouver un remède à un si grand mal ?
En préférant les autres à nous-mêmes. L’Égoïsme est un mal, parce qu’il préfère lui-même aux autres. Donc le vrai remède est de préférer les autres à soi.
XVII. Mais là est la difficulté. Il faut une aide pour vaincre l’Égoïsme, et préférer les autres à soi. Quelle sera cette aide ?
Une bonne forme de gouvernement, qui éduque les citoyens contre les sentiments de l’Égoïsme en leur inspirant la défense de la Liberté, de l’Égalité, de la Fraternité.
XVIII. Il me semble que vous dites beaucoup de choses, chacune desquelles je voudrais que vous expliquiez bien et de manière distincte. Que veut dire Forme de gouvernement ?
Forme de gouvernement veut dire une manière stable et déterminée d’exercer la Souveraineté, afin justement de limiter l’Égoïsme et de l’orienter vers le bonheur commun.
XIX. Les mots Monarchie, Aristocratie, Démocratie, Gouvernement Mixte signifient différentes Formes de Gouvernement ?
En effet, ces mots signifient différentes Formes de Gouvernement.
XX. Quand est-ce que la Forme de Gouvernement s’appelle Monarchie ?
Quand l’exercice de la Souveraineté est confié à un seul.
XXI. Quand est-ce qu’on parle d’Aristocratie ?
Quand l’exercice de la Souveraineté appartient à ceux qu’on appelle Nobles.
XXII. Quand est-ce que la Forme du Gouvernement est dite Démocratie ?
Quand tous les Citoyens sont admis à exercer la Souveraineté.
XXIII. Quelle est la Forme du Gouvernement Mixte ?
Celle qui participe aux autres formes citées et qui est le produit de leur mélange.
XXIV. Et que signifient les mots Tyrannie, Despotisme, Oligarchie ?
Ces mots ne signifient pas Forme de Gouvernement, mais les diverses manières prises par l’esprit de l’Égoïsme pour abuser de la force au détriment des hommes et de la Loi de la Nature. Tyrannie est le fait de recourir à la force pour écraser ses semblables sous le masque de les gouverner. Despotisme est n’avoir aucune autre règle de gouvernement que sa propre volonté. Oligarchie est la Tyrannie ou le Despotisme d’un petit nombre, qu’ils soient nobles ou roturiers.
XXV. Dites-moi maintenant quelle est la meilleure parmi les Formes de Gouvernement que vous venez de présenter ?
La plus homogène, naturelle et agréable à l’humanité entière est la Démocratie.
XXVI. Pourquoi ?
Parce que la Démocratie promeut les remèdes contre l’Égoïsme. Elle permet à la Liberté, à l’Égalité et à la Fraternité de s’imposer.
XXVII. Qu’est-ce que c’est que la Liberté ?
Ce n’est pas le pouvoir de faire tout ce qu’on veut selon son caprice, mais plutôt la faculté d’agir sans être assujetti à rien d’autre qu’aux Lois.
XXVIII. Qu’est que c’est que l’Égalité ?
L’Égalité n’est pas l’égalité de tous quant aux richesses, aux honneurs, etc. Ce serait une erreur trop grossière de prendre l’Égalité dans ce sens et d’imaginer que, quand on introduit l’Égalité dans un État, il serait permis par exemple aux débiteurs de ne pas payer leurs dettes, ou aux mendiants de voler aux propriétaires, ou encore que les honneurs, les charges et d’autres choses semblables doivent s’attribuer aux citoyens sans aucune distinction, sans tenir compte ni de la vertu ni du talent de chacun. L’Égalité consiste donc dans le droit de chaque Citoyen à être défendu par la Société en ce qui concerne la vie, l’honneur, la propriété, le droit de recevoir des prix et des compensations pour ses efforts, à tel point que chaque soldat reçoive ce que la Société considère une digne récompense pour ceux qui sont dans l’armée, chaque travailleur ce que l’on estime le salaire équitable pour le travail de labourer la terre, etc. Ou encore le droit de pouvoir accéder à des charges ou offices non pas sur la base de son origine ou une quelconque qualité non personnelle, mais seulement des qualités que la Patrie exige pour obtenir des charges et des offices.
XXIX. Qu’est que c’est que la Fraternité ?
La Fraternité n’est pas la même chose que la Liberté. C’est quelque chose de plus que l’Égalité. C’est l’engagement, et l’amoureuse attention, à s’entraider, à s’aimer, et à être utile mutuellement comme des Frères là où ne peut arriver la bienfaisance des Magistrats, ou l’habileté personnelle du Concitoyen indigent.
XXX. Comment donc la Liberté, l’Égalité et la Fraternité sont promues en Démocratie ?
L’on promeut la Liberté, car en Démocratie les actions ne dépendent pas de la supercherie d’un Tyran, du caprice d’un Despote, des envies de quelques Égoïstes, mais plutôt du choix du Citoyen sous le régime doux et impartial de la Loi.
L’on promeut l’Égalité car ni l’origine familiale, ni les richesses, ni le privilège, ni la faveur, mais la justice, qui est la même pour tous, gouverne les droits des Citoyens, l’amour social secourt les besoins, le mérite et la vertu rendent honneur et récompensent les Personnes.
L’on promeut la Fraternité car, en traitant les hommes comme égaux en libertés, on les habitue à ne pas avoir peur mutuellement. Alors ils se rapprochent les uns des autres avec plus de confiance, ils forment des liens d’amitié plus forts. Plus ces liens sont le produit d’un choix ferme et personnel d’une cordiale et sincère adéquation, plus ils sont doux et stables.
XXXI. Sur la base de ce que vous venez de m’exposer, je comprends bien les doux avantages de la Démocratie ; mais je ne comprends pas pour quelle raison les Nations européennes se sont pendant tant de siècles privées de tels avantages et ne se sont pas démocratisées, comme l’a fait la valeureuse Nation Française qui a établi chez elle la Démocratie et qui la protège aujourd’hui en dehors de ses frontières.
Je pense que cela résulte de la grande difficulté à trouver un nombre élevé de bons démocrates.
XXXII. Mais pourquoi donc ? Est-il aussi difficile d’être un bon Démocrate ?
C’est très dur. Il faut avoir la très juste et très généreuse, mais aussi très difficile aptitude au sacrifice de préférer les autres à soi et le bien public au bien personnel.
XXXIII. Et cette aptitude, n’est-elle peut-être pas nécessaire sous toute forme de Gouvernement ?
Bien sûr, elle devrait être présente partout, mais en quantité inférieure puisque, dans les autres formes de Gouvernement, il y a déjà ceux qui doivent penser au bien public. Ceux-ci devraient avoir l’âme démocratique comme c’est rare même parmi les héros. En Démocratie chaque Citoyens doit au contraire penser au bien public dans chacune de ses interactions. Le Citoyen démocrate, non aveuglé par la pompe, sait qu’il doit avoir l’esprit et le cœur d’un Souverain.
XXXIV. L’esprit aussi ?
Oui, pour avoir des connaissances suffisantes et ne pas se tromper au moins dans le choix des citoyens qui doivent exercer une portion de la Souveraineté, puisque souvent l’enthousiasme passe pour habilité, le cri populaire pour mérite et la loquacité pour éloquence. Le bon Citoyen doit avoir l’esprit pour pouvoir recevoir, au profit de la patrie, les charges et les fonctions qui l’intéressent.
XXXV. Pourquoi le Démocrate doit avoir du cœur ?
Afin de préférer justement les autres à soi. Il faut avoir un grand cœur aimant du bien d’autrui pour vaincre l’Égoïsme, qui ne recherche rien d’autre que son propre bien. Il faut avoir du cœur pour vaincre alors qu’il faut lutter avec l’amitié, méconnaître ses proches, mépriser les dons, et l’espoir d’être ensuite à son tour promu.
XXXVI. Que faudra-t-il faire en bon Citoyen pour sensibiliser la plus grande partie des Concitoyens à ces devoirs difficiles ?
Il faudra, lors de chaque rencontre, employer des mots énergiques et offrir par les actions des exemples brillants et sensibles.
XXXVII. Mais ces moyens devront être employés par les grands qui ont une charge ?
Au contraire, par chaque citoyen.
XXXVIII. Et comment ?
Chacun, dans la situation, l’art, la profession dans laquelle il se trouve, devra faire tous les efforts possibles afin de remplir ses fonctions de la meilleure manière, ainsi le Père éduquant correctement ses enfants, l’artisan perfectionnant ses travaux et chacun, de la même manière, sur son lieu de travail accomplissant son devoir et se perfectionnant soi-même. C’est ainsi qu’ils pourront, par leur conduite, inciter les autres à s’intéresser avec énergie au bien public et à sacrifier le bien personnel.
XXXIX. Le bon Citoyen devra-t-il aspirer aux fonctions publiques et aux honneurs des offices ?
Le bon Citoyen fera tout ce qui est en son pouvoir afin que des bons Citoyens soient nommés aux fonctions et aux offices. Il se contentera de son poste, il accomplira le plus précisément son devoir, il servira le plis dignement possible le Public, il sera prêt à suivre la voix de la Patrie partout où elle l’appellera. Il fera ainsi fermement connaître son esprit démocratique.
XL. J’aimerais, pour quand l’exemple d’autrui me manquera, avoir une incitation à accomplir mes devoirs de Citoyen.
Pour ce qui me concerne, je suis avec la plus grande efficacité incité à être un bon Citoyen démocratique, actif et énergique par ma Religion Catholique, notamment quand je vois les autres Concitoyens manquer à leur devoir et abandonner la Patrie.
XLI. La Religion Catholique a-t-elle une telle force ? Et comment ?
Parce que le principe fondamental de la Religion catholique est justement celui de la Démocratie : préférer les autres à soi. La Religion catholique m’apprend à me renier non pour être une plante infructueuse pour moi et les autres, mais pour devenir insensible aux forces de l’Égoïsme et rechercher et faire avec tout mon cœur le bien de mes semblables.
XLII. Mais n’y a-t-il pas, dans la Religion catholique, plusieurs grades, distinctions et mystères ? Quel lien y-a-t-il avec la Démocratie ?
Oui ces choses existent. Mais, si on les explique correctement, elles deviennent des rayons qui partent du principe central de la Démocratie auquel elles font référence.
XLIII. Je voudrais comprendre un peu mieux comment les grades, les distinctions et les mystères qui sont dans la Religion catholique partent et reviennent au principe de la Démocratie selon lequel il faut préférer les autres à soi-même.
Il faudrait un discours bien long. Nous y reviendrons à une autre occasion.
XLIV. À bon compte les Prêtres sont des aristocrates.
C’est absolument faux. Si vous faites référence à la classe sociale, ce serait peut-être vrai pour une toute infime minorité d’individus.
XLV. Mais comment pouvez-vous affirmer cela ?
Je l’affirme en me fondant sur la sagesse des Magistrats qui se prononcent sur la base de preuves et document légitimes et qui en condamnent très peu.
XLVI. Et pourtant la voix commune hurle : les Prêtres sont des Aristocrates !
Il s’agit en réalité de la voix d’une poignée d’individus dont l’agitation fait croire qu’ils sont bien plus nombreux. Ils ne savent que répéter des rumeurs et des satires tirées d’auteurs qui ont voulu se faire un nom avec la calomnie qui ne coûte rien, n’exige ni talent ni effort et est au service de vengeances privées et de l’approbation des gens peu instruits.
XLVII. Je me réjouis d’avoir bien compris. Je répondrai du tac au tac à certains hâbleurs exaltés.
Le Ciel vous en garde ! Vous renonceriez tout de suite à la qualité de bon Démocrate. L’enthousiasme des mots agace les esprits et exalte les cerveaux. Le Démocrate généreux, notamment quand il est catholique, doit ignorer les Déclamateurs.
XLVIII. J’apprécie votre avertissement. Mais quelle règle pourrai-je suivre pour ne pas être trompé par quelqu’un qui tenterai de me convaincre de certains principes que je ne saurai reconnaître comme étant appropriés à un Démocrate catholique ?
Pour être cohérent avec le principe essentiel selon lequel il faut préférer le bien public au vôtre, cherchez toujours à être plus actif que bavard. Il faut des Faits pour la mise en œuvre desquels vous aurez bien souvent à souffrir, ainsi que pour donner l’exemple aux autres qui vous regardent. L’épreuve des Faits sera preuve de bon Démocrate et de bon Catholique. Et, si vous devenez bon Démocrate et bon Catholique, vous serez heureux. Santé et Fraternité.
Mais, avant de vous laisser, je veux vous faire un beau cadeau. Vous n’avez pas encore l’âge pour en mesurer toute la valeur, mais assez pour comprendre que vous devez le garder précieusement afin d’en faire le moment venu un usage continu. L’épée du général Bonaparte, dont vous connaissez le nom prestigieux et digne de mémoire, vous semblerait un beau cadeau. Eh bien, de lui, je vous offre une lettre qui ne vaut pas moins que son épée. Lisez-la, demandez qu’on vous l’explique, apprenez-la par cœur et, au fur et à mesure que vous grandirez, vous pourrez en apprécier toute la valeur non pour en devenir un admirateur stérile, mais plutôt un interprète énergique. Encore : Santé et Fraternité.
Catherine Brice (dir.), Histoire de Rome et des Romains de Napoléon Ier à nos jours, Paris, Perrin, 2020 [2007].
Constitution de la République Romaine. Traduite de l’Italien sur une édition authentique, Paris, Imprimerie de la république, Germinal an VI, p. 51.
Luciano Guerci, Istruire nelle verità repubblicane: la letteratura politica: la letteratura politica per il popolo nell’Italia in rivoluzione, 1796-1799, Bologna, Il Mulino, 1999.
Luciano Guerci, « Aspects du débat sur l’Égalité durant le Triennio républicain », Annales historiques de la Révolution française, 1998/3, n° 313, p. 409-430.
Luciano Guerci, « Les Catéchismes républicains en Italie (1796-1799) », dans Jean-Charles Buttier et Émilie Delivré (dir.), La Révolution française. Les catéchismes républicains, 2009/1 [en ligne].
Œuvres de Napoléon Bonaparte. Tome second, Paris, C.L.F. Panckoucke Éditeur, 1821, p. 85-89.
Anna Maria Rao, « L’expérience révolutionnaire italienne », Annales historiques de la Révolution française, 1998/3, n° 313, p. 387-407.
Filippo Maria Renazzi, Storia dell’ Università degli studj di Roma, detta comunemente la Sapienza, che contiene anche un saggio storico della letteratura romana, dal principio del secolo XIII sino al declinare del secolo XVIII, Rome, 1806, volume 4, p. 419.
Fabio Tarzia, Libri e rivoluzioni, Figure e mentalità nella Roma di fine ancien régime, 1770-1800, Milano, Franco Angeli, 2000.
Gabriele Turi, Guerre civili in Italia 1796-1799, Roma, Viella, 2019.
Giuseppe Mangiatordi, Jeunot instruit à la démocratie par un démocrate catholique, [Rome, 1798], présenté par Stefano Carlucci et traduit par Guillaume Alonge, in Olivier Christin et Alexandre Frondizi (dir.), Bibliothèque numérique du projet Républicanismes méridionaux, UniNe/FNS, 29 janvier 2021, Url : https://unine.ch/republicanism/home/bibnum/catechismes/7.html
Projet Lauréat PSL-Columbia 2018 :