Projet Lauréat PSL-Columbia 2018 :
Ce projet de recherche prosopographique porte sur les directeurs de fortifications en charge des travaux dans les vingt-trois directions créées par Vauban à la mort de Louvois en 1691. Travaillant tout d’abord sous la tutelle de Le Peletier de Sousy puis sous celle du marquis d’Asfeld à partir de 1715 (brevet officiel en 1718), les directeurs des fortifications, supervisant des équipes d’ingénieurs subalternes (ingénieurs en chef, ordinaires et aspirants) et de dessinateurs, se sont partagés la gestion d’immenses territoires couvrant toutes les places fortes de terre et de mer. Poursuivant le travail fondateur engagé par Anne Blanchard dans les années 1980, il s’agit dans cette recherche d’approfondir le rôle et les fonctions de ces administrateurs militaires dont les travaux et le rayonnement, tant local que national, sont encore aujourd’hui peu documentés.
Figures pivots de la fabrication et du partage des savoirs techniques et constructifs, les directeurs des fortifications ont été à la fois concepteurs, superviseurs, collaborateurs, interlocuteurs tout autant que rivaux de l’ensemble des corps d’aménageurs et de bâtisseurs, des grands-voyers aux architectes en passant par tous les acteurs intermédiaires : entrepreneurs, conducteurs de travaux, corps ouvriers et artisans. Pourtant, malgré cette position centrale, force est de constater que la matérialité de leur métier, quotidiennement rythmée par les tâtonnements, les expérimentations tout autant que les échanges et les partages, reste une tache aveugle de l’historiographie. De manière même un peu paradoxale, il y a toujours eu une difficulté à faire reconnaître leurs apports dans des villes cependant reconnues pour avoir été construites ou modernisées par et pour la guerre. Il existe pourtant un immense gisement de sources primaires qui permet de s’atteler à la réécriture d’une histoire globale de la ville moderne envisagée au prisme de la culture technique des ingénieurs. Cartes, plans, mémoires, correspondances, atlas, portefeuilles, carnet de chantiers… mais également maquettes, plans-reliefs, instruments, matériaux, formes, gabarits, outils…, aujourd’hui dispersés dans les fonds et les collections publiques et privées permettent tant de délimiter le terrain, sériel et contrôlé, de l’ingénieur que d’étudier la matière concrète, dont les traces sont encore présentes, de ses pratiques.