Mon mémoire de master de recherche porte sur le marché de l’art, l’histoire du droit et les mécanismes d’acquisition et de vente d’œuvres au XIXe siècle, à travers l’étude d’une dynastie de marchands, la famille Delange, actifs entre Paris et Venise, de 1838 et 1881. Les protagonistes en sont Henri Joseph, le père ainsi que son fils aîné Charles, tous deux graveurs pour des catalogues d’exposition et de vente, marchands d’art, experts à l’hôtel Drouot et propriétaires d’une faïencerie à Naples.
Ce sujet de mémoire se développe selon trois axes de recherche. Le premier est monographique. Il vise à restituer les différentes carrières d’une dynastie de marchands actifs entre Venise, Naples et Paris. Il s’agira de réaliser une étude monographie sur cette famille encore peu étudiée. En effet, Henri et Charles Delange sont connus du musée du Petit Palais, dans lequel est exposée la collection des frères Dutuit, fortement alimentée par nos protagonistes. Ainsi, on sait que les Delange sont marchands d’art à Paris, où ils disposent d’un magasin situé au 5 quai Voltaire. ils y reçoivent des « grands collectionneurs », tels Edmond James de Rothschild (1845-1934). On sait aussi, que les Delange fréquentent les ventes aux enchères, où ils sont en contact avec Alexandro Castellani (?-1883). Charles Delange est même acteur de ces ventes à l’Hôtel Drouot. En effet, il est mentionné comme expert assistant de commissaire-priseur, dans de nombreux catalogues de ventes. On le retrouve ainsi « assistant de Maitre Pillet », alors surnommé « le Napoléon des commissaires-priseurs de Paris » lors d’une « Vente d’antiquités et médailles provenant de M.B de Naples » en 1868. Le catalogue de cette vente comporten certains objets prestigieux. Enfin, les Delange fréquentent les membres de l’Union centrale des Beaux-arts appliquées à l’industrie. La partie italienne du dossier devra dont être alimentée après la consultation des archives à Venise et à Naples. Le second axe porte plus spécifiquement sur l’étude des mécanismes de marché de l’art entre la France et l’Italie. Henri Delange, épouse, en effet, une italienne en 1838, Adèle Cattaneo, fille d’un ancien soldat milanais et d’une mère française. Avant son mariage, il voyage déjà en Italie, comme de nombreux marchands de son époque. Il s’intéresse aux objets antiques tels les vases, les médailles et les bronzes qui sont recherchés par les collectionneurs. Marchands, et collectionneurs voyagent de Paris pour des villes italiennes comme Naples, Rome ou Venise. L’étude s’attachera à restituer les allers-retours et les influences croisées entre Italie et France. Les Delange, sont également des acteurs fondamentaux du marché de l’art, guidant les collectionneurs et influençant leur goûtet promouvant de nouveaux artistes. Enfin, le troisième axe est juridique. Il porte sur l’histoire du droit du marché de l’art alors en pleine évolution. Le rôle du commissaire-priseur, ni acheteur, ni directement vendeur, y sera approfondi à travers la carrière des Delange. Au XIXe siècle, les commissaires-priseurs font partie des officiers judiciaires et représentent une corporation importante dans la justice française. Le nombre de commissaires-priseurs à Paris n’est pas important mais leur rôle est indiscutable. En effet, ce sont eux qui ont le monopole de la vente publique des objets d’occasions.
En corollaire, ce sujet de mémoire cherche donc à répondre à des questions d’articulation et d’accumulation des œuvres d’art. Ce sont des questions qui portent sur le statut juridique et la législation qui encadrent le marché de l’art. L’articulation va se faire par le biais des ventes, ce qui conduit à se poser la question de la circulation des œuvres d’art. Cette circulation qui est certes entendue de manière matérielle dans un premier temps, mais englobe aussi la conception de propriété liée au transfert. Les Delange sont au cœur de cette question et l’illustrent parfaitement. Ces marchands d’art, transfèrent matériellement et immatériellement la propriété des objets d’art entre Venise et Paris. En effet, ces transferts se manifestent par le passage d’un objet des mains de marchand, vers celle de l’acquéreur. L’accumulation soulève la question du collectionnisme le régime légal de la collection. En effet s’agit-il d’un bien unique, une collection indissociable, ou peut-elle subir une dispersion ? L’accumulation intéressée aussi les marchands, qui nourrissent leur fonds de commerce, et les salles de ventes.