Le projet est celui d’une histoire croisée du voyage abordée à partir de l’objet-livre, manuscrit ou imprimé, dans l’Europe moderne. La production écrite et ses usages seront envisagés comme un observatoire de ce que produit la rencontre de la mobilité et de l’hétérogénéité linguistique. Il s’agira ainsi d’étudier :
- La manière dont les livres sont fabriqués, circulent, sont vendus et lus dans des espaces qui ne parlent pas leur langue et ce que cette hétérogénéité produit à l’échelle locale (nécessité pour les ateliers de se fournir de caractères typographiques particuliers, de correcteurs compétents, de péritextes et de supports publicitaires adéquats). On prendra pour exemple le cas des versions anglaises et allemandes du Robinson Crusoé de Daniel Defoe qui circulent en France et des versions françaises utilisées ailleurs en Europe pour l’apprentissage des langues.
- La manière dont les voyageurs utilisent des livres pour se former au voyage et apprendre les langues utiles à leur déplacement, et ce que produit de type de familiarisation linguistique livresque lorsque le voyageur est impliqué dans des échanges réels. On étudiera en ce sens les compétences en italien des lettrés français qui voyagent en Italie, en s’appuyant sur leur correspondance et en particulier sur le phénomène des lettres « truffées » de citations en langue étrangère.
- La manière dont les manuscrits produits dans les pays du Nord (en particulier en Islande) et transmettant la culture norroise, ont été achetés et utilisés dans l’espace des autres langues germaniques, en Scandinavie continentale ainsi qu’en Allemagne et en Autriche, pour reconstruire leur passé commun. On verra que les langues et/ou les manuscrits sont considérés comme un medium de la mémoire collective et qu’en retour, les manuscrits utilisés à l’étranger servirent aussi à valoriser le pays de départ, l’Islande, en la libérant de son image d’endroit placé aux frontières du monde connu.