En partant de l’argumentation du savant de la sémiotique de la culture, Jurij M. Lotman, un espace culturel peut être défini comme une sémiosphère, c’est-à-dire un continuum sémiotique montrant l’interaction de signes – qui peuvent être considérés comme propres – à des niveaux différents. Les caractères principaux en sont l’homogénéité, ainsi que l’opposition entre l’intérieur et l’extérieur. Même si le concept de la sémiosphère doit être vu plus d’une manière symbolique que proprement spatial, il constitue pourtant un outil précieux pour la représentation de concepts d’espace et l’analyse de l’espace raconté.

Une telle sémiosphère, à la fois fermée et homogène, constitue donc une frontière à l’étrange et au différent et contribue à catégoriser le monde de la narration. Le fait de marquer des limites est vu par les sociologues comme une constante de base de l’humanité afin de développer sa propre identité. La littérature viatique (et pas forcément exclusivement dans des récits écrits, mais également en forme de cartes et de représentations iconographiques) semble être le genre littéraire le plus approprié pour souligner une telle délimitation. Elle est centrée sur la représentation de l’étranger, qui est pourtant toujours vu en relation avec le sujet, fait nécessaire à la construction d’identité par délimitation.

Normalement ce genre crée une polarité entre le sujet et l’autre, et ce dernier peut être perçu comme plus ou moins menaçant. En ce qui concerne le Nord de l’Europe, les notions de « nordicité » et de « boréalisme » évoquent toute une série d’images mentales, certaines d’entre elles constantes et d’autres liées à l’époque des ouvrages ainsi qu’à la fonction qu’elles étaient censées remplir.