La thématique de la patrimonialisation est ici envisagée sous l’angle de la construction d’un patrimoine fondé sur les transferts artistiques dans le temps et l’espace. Un double mouvement est à l’œuvre dans cette construction : la référence à des formes héritées du passé, par des copies, des variantes, des citations, est indissociable d’une référence à l’air du temps, par des choix ou des omissions. Prenons l’exemple des supports anthropomorphes : dans les différentes époques considérées, cet élément architectural porte une charge symbolique ; pour les Athéniens de l’époque classique, les Caryatides rétablissaient sur l’Acropole les statues détruites par les Perses ; pour les empereurs Auguste et Hadrien, transportées et multipliées, elles symbolisaient l’héritage classique emporté à Rome et à Tivoli. Pendant la Renaissance italienne, des monuments et des ruines de l’Antiquité romaine se transformaient en patrimoine culturel lorsqu’ils furent reconnus comme modèles à travers desquels les humanistes et les architectes apprirent les formes et les principes classiques : le Panthéon, les arcs de triomphe, des amphithéâtres et des thermes. Des relevés et des restitutions graphiques fournirent des données importantes pour la mise en valeur et le processus de restauration, soumis à des clauses juridiques dès le XIX^e siècle. Dans un passé plus récent, des monuments ou lieux archéologiques emblématiques, porteurs de métaphores, de mémoire ou de conflits ont gagné de l’importance, sur le plan scientifique et celui du tourisme de masse. Érigé au XVIII^e siècle dans un vaste jardin, l’ancien Palais d’été à Pékin, détruit en 1860, au cours de la deuxième guerre de l’Opium, se transforma en une image du royaume et de ses relations culturelles avec l’Europe. La ville de Palmyre est devenue une véritable icône, en tant que lieu d’échange culturel intense situé entre la frontière de l’Empire romain et du royaume des Sassanides, dont deux temples ont été démolis à l’explosif par les terroristes de l’État islamique.