Projet Lauréat PSL-Columbia 2018 :
Depuis toujours, l’homme se pose la question de l’au-delà. Parallèlement au développement de l’idée d’un paradis terrestre – ou au moins d’un endroit sur terre considéré comme meilleur que tous les autres, comme l’était considérée l’Asie (avec Jérusalem au centre) –, on se posa aussi la question de fixer une région de contraste en-dehors du monde des humains, qui devait être peuplée par des monstres et des créatures étranges ; selon le postulat de Michel Foucault (Les hétérotopies, 2005, p. 40), l’ordre ne peut exister qu’avec la présence des « contre-espaces », c’est-à-dire « des lieux qui s’opposent à tous les autres » et qui sont absolument différents, justement des « hétéro-topies ». Pour y accéder, il est nécessaire de passer par un point de transition entre les deux mondes, une zone liminale marquant la frontière entre eux, à travers des rites de passage – dans ce cas spatiaux – selon Arnold van Gennep. Il va de soi que les frontières étaient chaque fois déplacées selon la perspective de la société qui les posait.
C’est ainsi qu’à partir du Moyen Âge et jusqu’à l’époque moderne on trouve des représentations de l’enfer et de ses portes dans la littérature (comme dans le début du IIIe chant de « La Divine Comédie » de Dante) ou bien dans les arts figuratifs et plastiques (on pense p.ex. à « La porte de l’enfer » de Rodin), dans la cartographie (avec p.ex. la région des antipodes dans des cartes médiévales) et dans l’architecture (p.ex. le cimetière comme lieu de mort parmi les vivants). Le même constat vaut pour les images du paradis, à partir de la « Comédie » de Dante.
Suivant l’approche de la géocritique établie par Bertrand Westphal (2007), ce projet envisage d’esquisser la transformation de certains espaces géographiques tout à fait réels, devenant des lieux fictifs qui quittent leur dimension naturelle pour devenir des images mentales d’un ordre imaginaire.