Projet Lauréat PSL-Columbia 2018 :
Les récits de voyages s’étant d’abord imposés en littérature, l’organisation de la recherche sur ce corpus dépend aujourd’hui essentiellement de cette discipline. En dépit de leur importance et de leur homogénéité épistémologique, les recherches sur les contenus non littéraires des voyages, parce qu’elles sont compartimentées thématiquement, sont bien moins visibles. Pourtant, force est de reconnaître que s’il y a un champ scientifique où la recherche pluridisciplinaire s’impose d’elle-même c’est bien celui du genre viatique, depuis toujours le réceptacle de toutes les images et les pensées sur les « ailleurs », mais aussi de tous les savoirs autres. C’est cette confrontation entre l’exploration et les savoirs qui fait du corpus viatique un des supports d’étude les plus riches de l’histoire culturelle, qu’il s’agisse des arts, des sciences ou des techniques.
Le voyage est le vecteur par lequel circulent une matérialité (livres, cartes, œuvres d’arts, outils, etc.) et une immatérialité culturelle (les croyances, idées religieuses, légendes, modèles narratifs, langues ainsi que techniques et technologies, etc.) ; il est aussi un « projecteur » d’images mentales sur les ailleurs.
Les représentations préconçues de l’ailleurs et des altérités, ont généralement servi à reléguer ce qui n’appartenait ni à la chrétienté ni au monde occidental dans une sorte de « géographie des contraires ». Selon la théorie du géocentrisme, les images mentales produites passaient alors d’une géographie réelle à un espace imaginé, auquel cas il n’était pas nécessaire qu’elles soient légitimées par l’expérience directe du voyage.
L’ensemble de cette thématique s’inscrit dans un projet de représentation cartographique du voyage, ayant pour dessein de révéler par zones géographiques le tracé des transferts et les empreintes des influences, mais aussi la diversité et les récurrences des représentations imaginaires de l’ailleurs.